Aux pays des merveilles

Publié le 11 Septembre 2012

A cet instant précis, je me sens proche de tout : du soleil qui brûle ma peau, du ciel à portée de mes mains, du vent puissant qui vient m'effleurer, et de la nature, que j'entends respirer. Je ressens cette délicieuse impression d'être à ma place, là, si minuscule face à cette immensité. A l'horizon, eau et ciel s'embrassent, et rien ne vient troubler l'instable équilibre de la perfection qui ravie mes yeux. Dans ce lieu hors du temps, le silence donne un sens à la beauté du lac, et moi, je veux juste saisir la magie de l'instant. Là, seule avec mes souvenirs, je me sens approcher au plus près de la vie. J'envoie valser un tourbillon de pensées inutiles, et malgré moi, je ne pense qu'à une chose : combien de personnes encore pourront voir cette merveille avant que la bêtise humaine ne vienne lui ôter tout son charme ? Cette merveille là, c'est le Lac Titicaca.

Aux pays des merveilles

En Amérique Latine en général, et en Bolivie en particulier, les plus beaux endroits s'immiscent dans vos rêves, se font désirer et se méritent. Bien sûr, il est possible d'y accéder sans difficultés, il y aura toujours des bus 4 étoiles, des flottes privées et un âne pour porter le sac. Mais dans ce cas, le lieu vous échappe. L'isla del Sol et le Machu Picchu font partis de mes « plus beaux endroits ».

Pour connaître ces instants de bonheur : 950 km, 30 heures de bus et 7 heures de marche, 7 nuits frigorifiques, 2 visas, etc. Il y en a eu de ces nuits où j'ai ouverts les yeux sans me rappeler où j'étais, paniquée et en me haïssant d'avoir eu cette idée de partir aussi loin et dans un continent aussi difficile. Pourtant, jamais je n'ai regretté. Moi qui suis si lunatique et caractérielle d'habitude, je crois n'avoir jamais eu un seul saut d'humeur durant l'intégralité du voyage (si si, je vous promets).

Samedi 25 Août : Copacabana

Ville de rêveurs et de poètes, cet endroit pourtant très touristique, a su conserver son charme et sa quiétude. Au bord du lac, parmi les pédalos en canards qui polluent le paysage, se cachent encore quelques embarcations typiques. Qu'il est bon de s'asseoir pendant des heures, à écouter le clapotis de l'eau et à se fondre dans le silence des ces eaux gelées. Endroit incontournable : l'église, où repose la magnifique vierge indienne (et oui). La légende raconte qu'un jour, un pêcheur brésilien a échappé à une violente tempête et a voulu remercier la vierge en faisant la promesse de donner le nom de « Copacabana » au plus bel endroit du Brésil (la fameuse plage que tout le monde connaît aujourd'hui). Pour les plus sportifs, la montée du « calvario » au coucher du soleil est une merveille : vue assurée sur l'ensemble de la ville et sur une partie du lac. Et bien sûr, que serait une visite de Copacabana sans goûter au plat typique : soupe et « trucha » (truite) pour 10BS (1€).

Aux pays des merveilles

Dimanche 26 et Lundi 27 Août : la isla del sol

Sur la route sacrée des incas, traversant l'île du Nord au Sud, nous avons enfin saisi la portée du mot « mal des montagnes ». A 3500 mètres d'altitude, l'oxygène est suffisamment rare pour épuiser notre souffle et maltraiter nos poumons. Régulièrement, et en plein milieu du chemin, des habitants vous réclament 10 BS pour rentrer sur le territoire. On peut le voir comme une honteuse appropriation d'un bout de terre pourtant si sauvage, ou alors le comprendre, en se rendant compte de l'amélioration des conditions de vie qui résultent du tourisme. Pour l'instant, j'espère juste qu'ils n'en viendront pas à installer un petit train qui traverse l'île. Le soir, nuit chez l'habitant et temps des premières fois : rencontre avec des alpagas et maté de coca. Pour la précision, la « coca » n'est pas de la « cocaïne », c'est simplement la plante qui permet sa fabrication, après un procédé complexe.

Aux pays des merveilles

Mardi 28 Août : Copacabana, je te retrouverai (mais je pensais pas aussi tôt)
C'est un petit bout de paradis qui peut se transformer en enfer. Ce jour, nous aurions dû être à Cuzco, prête à organiser l’ascension du Machu Picchu. Sauf que la tradition veut que nous soyons bloquées au moins une fois par un « bloqueo », et ce fut cette fois-là. Déçues certes, mais pas énervées : le blocage des routes est ici le seul moyen pour manifester et obtenir des avantages sociaux. Le départ est donc repoussé de 24h, ce qui rend notre timing ultra serré, car notre stage commence dans 5 petits jours. Mais le rêve est trop proche pour que la Raison l'emporte : on se donne juste un dernier jour, juste une dernière chance.
La chance, elle, nous quittera le temps d'une journée. Car le soir arrivé, au moment d'embarquer, nous prenons conscience de l’ÉNORME faute qui est la notre d'avoir oublié la carte de tourisme, qui est « INDISPENSABLE pour passer la frontière » selon notre chauffeur. Vous pensez sans doute que je m'imagine déjà enfermée dans les geôles boliviennes, et pourtant j'ai une intuition positive, qui s'avère être juste : une petite amende de 25 BS et on repart.

Mercredi 29 Août, 5 heures du matin - « bienvenue en enfer » : comme en plein jour, nos yeux fatigués voient un spectacle affligeant : des agences nous sautent dessus, crient, et tentent de nous persuader que LA solution pour faire le Machu Picchu, c'est de choisir un voyage groupé. Il y a aussi un groupe de français qui refuse de nous aider : chacun sa poire (là, je suis désolée mais je suis dans l'obligation de préciser qu'il s'agit de parisiens). Or, vous me connaissez, je ne compte pas baisser les bras maintenant. Mon espagnol devient tout à coup parfait et nous rencontrons enfin la vérité : oui, vous pouvez prendre le bus pour aller jusqu'au Machu Picchu, et sans passer par une agence.
Au programme : le trajet de bus le plus long et le plus difficile de toute ma vie. De Cuzco à Santa Maria : des douleurs d'estomacs me bloquent la respiration à chaque fois qu'il y a un trou ou un obstacle sur la route (c'est à dire tout le temps). Imaginer qu'il ne me reste QUE 9 heures à souffrir provoque fou rire nerveux sur fou rire nerveux. Le sourire, c'était jusqu'à mon réveil en pleine descente quelques heures plus tard. Il se fige au moment précis où je nous vois dévaler la pente au point mort : 1 – je suis persuadée que je vais mourir, 2 – je veux rentrer chez moi et 3 – je resterai la fin de mes jours au Machu Picchu parce que je jure de ne pas prendre ce chemin pour revenir.


Jeudi 30 Août : « un jour, j'irai au Machu Picchu »

J'ai survécu au trajet en bus  ! Il est 5 heures du matin et je vais escalader 1716 marches en 1 heure. Et je suis HEU-REU-SE. A 6h30, au moment où le soleil se lève sur le site, j'oublie tout : ma fatigue, ma colère après les touristes qui sont arrivés avant nous grâce au bus, et les 30 heures de bus qui nous attendent pour le retour.

Je l'ai rêvée, imaginée et admirée tant de fois. A tel point que j'avais terriblement peur d'être déçue. Sauf que ce site se respire, se sent, se vit. Perché à plus de 2438 mètres d'altitude, le « vieux sommet » est entouré de montagnes sacrées, qui se dressent sur tout les horizons. En bas, la vallée semble inatteignable et je pense à deux choses : « Comment une construction humaine peut-elle être autant en harmonie avec la nature ? » et « Tu m'étonnes que les espagnols n'aient pas réussi à le trouver ». La cité sacrée est construire sur la base de pierres vieilles de millions d'années, et s'étend sur une superficie de 325 km². Les touristes sont nombreux, mais nous prenons le temps d'admirer chaque parcelle, ce qui nous permet d'éviter les groupes qui tentent de réaliser un record de vitesse. Nous choisissons de terminer la matinée en écoutant la musique, perchée sur les ruines. En jetant un dernier coup d’œil sur le site, j'espère simplement que le peuple Péruvien saura protéger cette merveille, pour conserver l'âme et l'Histoire du pays.

Le retour est « rapide » : train, bus tout confort et aucune surprise pour rentrer à Cochabamba, des souvenirs plein la tête et l'envie folle de partager cette aventure avec les gens que j'aime.

Machu Picchu, encima del Mundo « Alma y espíritu planetario ciudad estelar de los Incas/arquitectura inacabable (…) De tÍ nacieron la papa y el maíz / para salvar el hambre a Europa / Hoy, nuevamente de ti nace / la esperanza para el hombre ». [José Maria Arguedas].

Rédigé par Adeline

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