D'Ossun à Valparaiso

Lundi 04 Février 2012 –  

02h du matin : Je me tourne, me retourne, allume la lampe de chevet, regarde les lumières de Santiago, éteins, compte à l’envers en espagnol, contrôle ma respiration, admire les moutons, je me tourne, me retourne…

06h du matin : après 5 mois, 23 semaines et 161 jours de séparation, j’ouvre enfin les yeux sur le jour des retrouvailles. La mission ? Arriver à l’aéroport dans les temps impartis, soit 1 heure, 30 minutes et 55 secondes. Le handicap ? Deux valises à roulettes. Le facteur d’incertitude ? 4 millions d’âmes qui peuvent potentiellement se trouver sur mon chemin. La récompense ? Des retrouvailles.

Je me faufile dans le métro de Santiago après avoir assuré une course de 100 mètres. J’achète mes tickets. Je descends les escaliers. Je monte dans la bonne rame. J’attends. Je bouscule tout le monde avec mes valises. Je sors du métro. Je me trompe de côté. Je redescends. Je bouscule. Je monte dans l’autre rue. J’achète mes tickets de bus. J’attends. J’arrive à l’aéroport. Je coince mes valises dans mes pieds. Je lance un regard noir aux chauffeurs de taxi. Je souris. J’attends. J’attends. J’attends… Le temps s’étire et je reste la même petite chose seule et insignifiante que je me suis toujours sentie être dans les aéroports. J’attends. Je regarde ma montre. Je soupire. Je m’impatiente. Je regarde la porte coulissante d’où sortent les passagers. J’ai une idée. J’attends. Hop, je passe à contre-sens dans la porte. J’observe. Je tourne la tête dans un sens, dans un autre, dans un…. Là, un visage familier ! [Je passe sous silence le reste, j’ai fait l’hystérique en leur sautant dans les bras juste devant la douane].

10h30 : Quelques minutes plus tard, les services de la douane nous enlèvent le saucisson et le miel que mes parents avaient amené. Selon la version officielle, tout produit d’origine animale ou végétale non stérilisé ne peut entrer sur le territoire chilien. La véritable raison, comme nous le savons tous, est qu’ils voulaient fêter le départ à la retraite de Juan Pedro cet après-midi-là, et qu’un bon saucisson français ne se refuse pas. De mon côté, j’ai accepté la sentence avec calme et sérénité. Ceci après avoir envisagé de sauter sur le saucisson et de le manger en intégralité avant qu’ils ne puissent réagir, de pleurer toutes les larmes de mon corps ou de tuer Juan Pedro. Sacré douane chilienne.

14h : Notre vol jusqu’à Punta Arenas, au Sud de la Patagonie chilienne se passe sans encombres. Non, vraiment, à part peut-être un bruit de roulement au moment du décollage, un petit rebond à l’atterrissage (si vraiment), et une heure trente de retard. Mais enfin, après avoir connu le système de transport bolivien, on s’habitue à tout. Je suis même certaine d’adorer les retards de la SNCF l’année prochaine.

17h : Nous entrons dans la voiture que nous avons réservée et pénétrons dans les terres irréalistes du bout du monde. Des prairies sauvages s’étalent à perte de vue vers l’horizon. La mer est calme, presque immobile et son gris contraste avec les petites maisons colorées et disparates qui apparaissent parfois au détour d’un virage. Une impression de bout du monde en somme. Je regarde vers l’horizon, en imaginant qu’au loin se trouve la « terre de feu », soit le bout de terre le plus au Sud de la planète. Putain ça y est là, on est en PA-TA-GO-NIE !

Ensuite, nous nous installons dans une petite auberge familiale très sympathique et enfin, après tant de temps, je croque dans un croissant (rien que d’y penser, j’en ai encore l’eau à la bouche). Le soir, je m’endors avec un sentiment que je n’avais pas vécu depuis longtemps, celui de la sérénité. J’entends les respirations régulières de mon frère, de ma mère et de mon père et je souris. Aujourd’hui est le premier jour du reste de notre voyage.